Numéro : n°464 – Guerre et paix
Titre de l’article : Architectures de l’urgence : tentative d’état de l’art
Parution : Printemps 2025
Rédacteur :

Nous avons travaillé une petite année aux côtés de l’association AL.MA pour l’accompagner dans son projet de création d’un restaurant associatif imaginé comme un tremplin professionnel pour les personnes réfugiées. Le projet a été sélectionné dans le cadre du dispositif Citylab de la Mairie de Nantes et soutenu par ADI. La cuisine est vue comme un lieu de partage et d’échanges, où chaque personne accueillie en formation apporte des recettes et des pratiques culinaires de son pays. L’échange se fait aussi intergénérationnel, où certains après-midi les habitants des résidences séniors de l’immeuble descendent et se réunissent autour d’activités diverses.
La mission qui nous a été confiée était celle de concevoir l’ensemble du projet architectural du restaurant, depuis une coque brute, un local commercial en rez-de-chaussée d’un nouvel immeuble sur le boulevard de la Prairie au Duc.
Le projet laisse une large place à l’ouverture de la cuisine sur la salle. L’envie de Manue et Alice est de montrer ce qu’il se passe en cuisine, de mettre à l’honneur les personnes affairées aux fourneaux. On imagine alors un grand linéaire en inox sur des cadres acier bleu pastel. L’unité de mesure devient alors le bac gastro, qui donne le pas entre deux cadres et se transforme en tiroir où ranger les ustensiles. Dans leur volonté de montrer les choses telles qu’elle se passent, Alice et Manue nous montrent les coulisses de leur cuisine, notamment par une paroi vitrée sur la cuisine, ou encore les faces du comptoir qui donnent à voir la diversité de la vaisselle proposée. Le comptoir pour sa part est mobile : il est articulé sur un pivot, permettant au linéaire de se transformer en un grand plan de travail, ouvert aux ateliers de cuisine donnés certains soirs.
Le plafond exprime toute la complexité du programme où rien n’est dissimulé. Il hérite de la structure porteuse de l’immeuble en béton armé et de réseaux des étages supérieurs passant en sous-face de la dalle. Nous y ajoutons l’ensemble du réseau électrique sur chemins de câbles apparents sur lesquels sont suspendus les luminaires et les chauffages, et également le réseau de ventilation et de plomberie.
Divers mobiliers en bois sont dessinés et accueillent un grand rack pour ranger les tables, des petits vestiaires et le coin cuisine destiné aux seniors. La couleur a été un grand sujet, dans la veine de la charte graphique du restaurant réalisée par la designeuse Amélie Leclerc et de la couleur des menuiseries extérieures du projet architectural de l’immeuble des architectes de l’Atelier Zündel Cristea. Nous choisissons alors un bleu pastel pour l’ensemble des éléments métal : cadres aciers, pieds des mobiliers, poignées de porte, porte verre, étagères en crédence, … Le sol est un carrelage 20*20 bleu glacier avec ses joints légèrement rose quand la crédence est d’un vert prononcé. Le bois choisi est une essence claire, en contreplaqué de bouleau. La crédence est d’un vert prononcé. Le bois choisi est une essence claire, en contreplaqué de bouleau.
Les ateliers Magellan, ancien atelier de fabrication situé dans le centre de Nantes et propriété de la Ville, est mis à disposition depuis 2018 à l’association Inter-Stices. Après plusieurs conventions précaires, Inter-Stices signe une convention d’occupation plus longue lui permettant de se projeter plus sereinement dans la suite de leur projet d’occupation temporaire des lieux.
Inter-Stices fait appel à saga pour faire un état des lieux de l’usage existant et proposer des pistes pour l’évolution du lieu. Nous proposons de travailler sous forme de résidence et nous installons pendant une semaine au sein des ateliers. Nous commençons par un travail de cartographie de l’existant, enchevêtrement d’usages présents et de reliquats d’actions passées.
Ce relevé minutieux, couplé à des temps d’échanges avec les acteurs du site, nous permet de retracer l’évolution des usages, de déceler ce qui fonctionne et ce qui fonctionne moins, de relever les conflits d’usages et les complexités liées à l’état du bâti.
A partir de ce constat, nous formulons un scénario d’évolution des lieux sous la forme d’un plan guide. Ce plan, dessiné sur une grande table lumineuse créée pour l’occasion est mis en débat lors d’une sortie de résidence qui mobilise l’ensemble des acteurs du lieu. A partir des retours collectés lors de cette restitution, nous établissons une feuille de route permettant d’enclencher un nouvel imaginaire pour les ateliers Magellan.
Sur un petit terrain boisé situé à la Chevrolière, nous faisons la rencontre d’un couple qui y a installé sa tiny house depuis plusieurs années. Sur le site, un garage en pierre de cinquante mètres carrés sert de stockage et le couple projette d’y faire leur maison afin d’accueillir la famille qui s’agrandit. Trois contraintes nous sont imposées : garder le bâti ancien ainsi que les arbres auxquels le couple est grandement attaché, y adjoindre la tiny house et envisager une construction vertueuse utilisant au maximum des matériaux biosourcés.
Nous construisons une proposition autour de la surélévation partielle du garage afin d’y glisser un étage en mezzanine qui accueille deux chambres minimales et un bureau. En rez de chaussée du garage, la pièce de vie, cuisine et salle d’eau se placent légèrement en décaissé par rapport au niveau du jardin afin de gagner en hauteur sous plafond sans trop agrandir le volume. L’ensemble s’ouvre largement sur un jardin d’hiver rapporté en façade Ouest. Celui-ci agit comme une extension du salon et permet de faire un lien abrité avec la tiny house qui sera utilisée comme chambre supplémentaire et bureau indépendant.
L’intervention se veut minimale dans son expression : les murs du garage existants sont conservés et simplement réparés aux endroits nécessaires. La toiture en tuile existante est conservée et simplement prolongée. Deux frangements sont créés en façade Sud pour former une nouvelle entrée et une fenêtre dans le salon. La surélévation en structure bois vient se glisser dans l’existant et se fondre en façade par l’utilisation de panneaux à enduire en bardage. Seule la façade sur jardin d’hiver est complètement reconstruite pour offrir de larges ouvertures sur celui-ci.
L’ancienne clinique de Notre Dame de Lorette située en plein centre de Nantes et propriété du Diocèse, a été mise à disposition de l’association Eaux Vives Emmaüs pour y accueillir temporairement des familles sans solution de logement. Associée à un bailleur social, l’association nous contacte pour envisager la reconversion de l’ancienne clinique en un centre d’hébergement pérenne. Notre mission consiste à établir une faisabilité pour cette transformation afin de monter les dossiers de financement nécessaires.
Après un travail de relevé de l’existant, nous nous penchons sur la requalification des espaces et des circulations afin d’optimiser les places d’hébergements et de proposer différents espaces collectifs permettant une mixité des usages au sein de l’édifice. La requalification des circulations au rez de chaussée permet d’envisager un espace commun d’accueil généreux tandis que l’ajout d’une coursive extérieure permet de supprimer les nombreux espaces de couloirs intérieurs des étages et ainsi de dégager de l’espace pour créer des logements plus spacieux. Trois typologies de logements (chambres seules, studios indépendants et logements de type 2) sont développées afin de répondre à la multiplicité des profils hébergés. A ceci s’ajoute un programme de micro crèche, des bureaux pour les travailleurs sociaux ainsi qu’une halte d’accueil de jour pour femmes.
Début 2023, nous sommes sollicités pour concevoir et réaliser un escalier permettant de desservir les trois niveaux d’une maison en cours de construction au Cellier (44).
Cette maison, faite de trois plateaux de 30 mètre carrés environ, fait place belle à l’escalier qui agit à la fois comme circulation et séparation entre les espaces. Une grande échelle en K agissant comme contreventement traverse l’espace de la maison et doit servir de base au dessin de l’escalier.
Nous concevons un volume plein métallique en rez de chaussée qui accueille des tiroirs ainsi que le frigidaire de la cuisine et un placard de rangement. Le reste de l’escalier se déploie ensuite de manière plus légère afin de conserver des transparences.
L’ensemble de la structure de l’escalier est construite en acier DKP soudé, poncé et vernis. Les marches sont en tripli épicéa tandis qu’un cordage en chanvre naturel est tissé de part et d’autre des limons pour créer un garde corps central.
Dans le cadre de sa programmation estivale « Parcours » l’association Interstices fait appel à trois collectifs, le collectif GRU, Quand Même et saga, pour imaginer un aménagement temporaire sur le quai Favre rendu piéton pour l’été.
Organisés sous la forme d’une résidence, nous passons une semaine à collectivement concevoir et construire cet aménagement. La proposition se base sur les matériaux disponibles : un stock de bois en 45*145 et des bordures en granit mises à disposition par les services de la ville. Cinq piles en blocs de granit sont disposées le long du quai et viennent supporter de grandes tablées de 6 mètres de long. Ces piles sont également support d’une structure en tubes d’acier qui soutient de grandes voiles blanches permettant d’offrir un peu d’ombre sur ce quai. Autant tables que canapés, ces grandes plateformes en bois offrent une pause sur ce long quai linéaire et permettent de se poser face au canal qui lui fait face.
Au-delà de l’objet en soi, c’est surtout l’expérience collective que l’on retient, véritable improvisation architecturale sur le temps d’une semaine, écrite à une trentaine de mains à mi-chemin entre les locaux d’Interstices et le quai Favre.
Dans un pavillon à la nantaise de Saint-Jean-de-Boiseau, ses habitants ont décidé d’investir le tout dernier étage, sous les toits. Tout est prêt, avec deux nouvelles chambres et une salle de bain, seul l’escalier est manquant.
L’ensemble est un objet mixte, avec un premier bloc monolithique, de quelques marches, en contreplaqué de bouleau, sur lequel vient s’accrocher la partie métallique de l’escalier, aux éléments boulonnés, sans contremarche, en acier décapé brut.
Sous le dernier quart tournant, un volume en contreplaqué de bouleau est suspendu. Il pivote sur un axe, pour s’ouvrir et se fermer.